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Kingdom of Life
2005
Notation
Jazz/Blues   Electro Jazz   Ambient

Voilà quelque chose qui change, un petit caprice ou une infidélité, prenez cela comme vous voulez mais ceci n’est pas du rock, enfin, pas tout à fait. En tous cas, ne cherchez pas cet album car même chez le meilleur disquaire vous ne le trouverez pas : seul Halbop, petit label parisien (créé par Paul Wannebroucq et Charise elle-même), le distribue pour le moment, aussi, c’est à eux qu’il faut s’adresser pour se le procurer.

Ah, je vois votre instinct de musicos s’éveiller ! Lui qui est toujours à l’affût de nouveauté, voilà enfin quelque chose qui pourrait le rassasier (visez un peu les rimes !). Il faut savoir que ce genre de nouveauté là se déguste et demande du temps pour être écouté, car Kingdom of Life n’est pas tout à fait comme les autres : quelques secondes de chaque chanson ne suffisent pas pour savoir de quoi il retourne, on a des surprises jusqu’à la fin, et justement, celles de la fin sont souvent les meilleures.

Mélange de pop, rock, soul, jazz, ainsi que de sonorités indiennes et même gospel (qu’elle pratique depuis 6 années), cet album, produit et composé par Charise, se veut très éclectique. Chaque morceau à sa particularité ; là on dit ouf parce que mine de rien, ça devient assez rare (…). Même mon frangin fan de David Bowie, The Doors, Led Zeppelin and co. a succombé au charme de sa musique, et croyez moi, c’était pas gagné d’avance ! Etant donné l’état critique de la musique en France, on a facilement des préjugés, si en plus c’est une jolie black qui chante on s’imagine tout de suite qu’elle va se la jouer à la Béyoncé-pétasse-professionnelle version made in France, ou pire, qu’elle va nous pondre la chanson de l’été favorite du camping municipal de Tatawine les Ombrelles. Vous avez deviné, on en est heureusement très loin…

Premier morceau, première surprise : ce n’est pas la musique qui retient notre attention en premier mais la voix cristalline de Charise. Nous qui nous attendions à une voix de black typique (poussée à bloc, à la limite de la rupture), la sienne se rapporte plus à celle de Janet Jackson, ça fait du bien aux oreilles. Musicalement, ça reste somme toute assez basique, genre ballade pop agrémentée d’une jolie mélodie avec un long solo de guitare à la fin. Agréable. Ce qui suit est du coup plus intéressant : à la limite de l’électro, la musique, (qui évoque le son des ordinateurs, thème de la chanson) se fait un brin planante, rappelant même un peu les slow de Neneh Cherry lors des couplets. Le titre d’après se la joue également slow, sauf que celle fois-ci la demoiselle se lâche vocalement et ce, sans nous exploser les tympans : preuve qu’il est inutile de s’égosiller pour faire passer les émotions. Elle y fait également ressortir ses influences gospel grâce à un orgue qui vient s’ajouter naturellement à la fin du morceau.

On quitte un slow pour en retrouver un autre, plus léger et planant cette fois, jazzy et sexy à la manière de Janet Jackson (par hasard), sauf que ses centres d’intérêt sont différents (si vous voyer ce dont je veux parler…). Tout au long de l’album, elle offrira un peu de réconfort pour ceux qui croient que tout est perdu et défendra le monde contre ceux qui le détruisent, c’est Bono qui va être jaloux… Dans le même genre que la première chanson, « Nude », petite ballade pop à la mélodie facile, va nous permettre de sortir de cet état de torpeur dans lequel on était plongé. Les guitares sont plus présentes que dans les morceaux précédents, l’une joue en arpège tandis que l’autre improvise un petit solo par-dessus ; peu d’originalité ici mais le tout reste efficace.

Ça s’en va et ça revient, « Natural » nous replonge dans notre comma sauf que cette fois ci, on plane encore plus, et ce n’est pas pour nous déplaire. La voix est discrète et pure comme du cristal, le piano la rend encore plus fragile et rajoute une touche jazzy au couple guitare/clavier qui a poussé sa reverb a fond. On distingue également en arrière plan quelques sons électro discrets qui ajoutent une note vibrante et moderne à la mélodie. « I Wanna Go There » aussi se la joue électro mais dans son intro seulement, l’influence de Madonna serait elle passée par là ? Peut-être, en tout cas ce qui est sûr c’est qu’elle n’est pas restée bien longtemps, la Madone n’aurait pas eu l’idée d’y rajouter des percus africaines et une basse jouée en slap (excellent !). Dommage pour elle parce que ce mélange est très convaincant.

On passe à « Don’t let them destroy your heart », et c’est là que ça déconne un peu. Vu le titre un attend un truc triste ou à la limite du pathétique, et ben pas du tout ! La guitare et le banjo on l’air d’avoir pris de l’extasie tandis que chez les percus, c’est la fête au village, un bien joli tableau pour des paroles aussi peu joyeuses (je cite : «Des mots cruels nous atteignent comme des cibles et nous font saigner »). Place au duo maintenant, Charise partage la vedette avec Elen le temps d’un slow planant. Cette fois, les paroles plutôt positives (quelqu’un qui décide de laisser ses problèmes derrière lui et de vivre sa vie pleinement), sont accompagnées par une musique mélancolique, peut être pour souligner l’adieu qui se cache derrière les mots.

Ukulélé et guitare cette fois sont de la partie dans « Ups and Downs are the rule », ballade sympatoche qui rappelle un peu le reste de l’album avec toujours une petite touche électro discrète pour agrémenter le tout. C’est par des sonorités Indiennes que l’on est accueillis dans l’intro de « Mr Wind », morceau envoûtant à la « Substitute for love » de…Madonna tient ! La guitare nous joue un de ces solos qui nous donne des frissons sur un fond de cordes graves et de saxophone. « Kingdom Of Life », chanson de huit minutes qui donne son nom à l’album, reste dans le registre slow mélancolique (en moins planant que les morceaux précédents). La guitare, pédale wah-wah et chorus au début, transforme la chanson en sorte d’hymne à la vie dès le refrain. Elle fini en sorte d’impro free jazz mais sans les dissonances (merci !). La voix, accompagnée de cœurs que l’on croirait chantés par des anges, se fait lancinante, timide et fragile comme du verre. Au tour de la petite dernière maintenant. « You Have Wanted Too Much », duo mélancolique guitare/chant, est sans doute la plus simple et dénudé de l’album. Le seul luxe que s’offre Charise est un chœur discret au moment du refrain.

Petites surprises bonus quand on ouvre le livret : on a les paroles et elles sont toutes accompagnées d’une citation, provenant tantôt d’Epictète ou de philosophes indiens, sortes d’introductions à visée plus didactique qu’argumentative. Pas la peine de l’ouvrir pour y trouver des photos de la belle en jupette, de Janet Jackson elle n’a que la voix, pas l’attitude et c’est tant mieux. Je vous laisse maintenant découvrir par vous-même cet album qui est en écoute libre sur le site de la maison de prod’ : maison de production. N’hésitez surtout pas à laisser vos impressions sur l’adresse email de l’artiste disponible sur le site. Que votre opinion soit bonne ou mauvaise, vous aurez en plus le mérite d’avoir donné un petit coup de pouce à la musique indé, et nous savons tous qu’elle en a bien besoin !

- gia, le 9 07 2005