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Tago Mago
1971
Notation
Rock   Prog Rock

Si au départ le collectif de Cologne réadapta les innovations bruitistes du Velvet Underground à la sauce germanique sur le brillant Monster Movie, rapidement il développa un amalgame de jazz, de funk, d'électro-acoustique et de sonorités psychédéliques qui allaient faire sa renommée. Suite au départ d'un premier chanteur, le sculpteur américain Malcom Mooney qui ne se remit jamais d'un choc nerveux sur scène, le groupe mobilisa les services du fameux Damo Suzuki, trouvé sur les rues de Munich alors qu'il chantait pour gagner sa vie. L'alliance s'avérera des plus idoines puisque le chant de Suzuki colla parfaitement aux jams hallucinogènes de Can, aussi dadaïstes que complexes.

Mais c'est sûr Tago Mago que le résultat serait le plus probant. Véritable jonction entre le Can brouillon des premières années et celui plus achevé des classiques Ege Bamyasi et Future Days, ce troisième album de la formation la plus iconique et importante du mouvement krautrock représente le moment où elle trouverait réellement sa voie. Enregistré par Holger Czukay, bassiste du groupe et élève du célèbre Stockhausen, dans un château près de Cologne, Tago Mago est le fruit de plusieurs sessions d'improvisation dont les meilleurs moments furent sélectionnés et rassemblés. Par cette technique, l'urgence et la créativité de Can fut mise à l'avant-plan, ce qui fait de l'album un moment de pur délire et de pur délice. En témoignent les deux monuments de l'opus, soit "Halleluhwah", véritable apogée de 18 minutes où le batteur Jaki Liebezeit relève de gigantesques exploits métronomiques, ainsi que "Aumgn", une pièce expérimentale qui présente Can à son plus extrême et déconstruit. Après plus de trente-cinq ans, Tago Mago demeure aussi moderne et avant-gardiste, preuve de son intemporalité à toutes épreuves. Incroyablement groovy et cérébral.

- Mathieu Dupont, le 19 07 2009