Le voyage initiatique de William Blake vers un bled perdu de l’ouest américain au début du XXe siècle sera aussi son passage dans un autre monde, qui fera de lui un assassin dans une cavale sans espoir, accompagné de l’Indien Nobody qui voit en lui l’âme du célèbre poète en transit vers le monde des esprits (« You are William Blake ? Then you are a dead man ! »). C’est en quelques mots les prémisses de Dead Man, film mythique de Jim Jarmusch, Western surréaliste et crépusculaire filmé en noir et blanc.

Le film est tellement conditionné par la bande-son de Neil Young qu’on peut s’y plonger sans le voir. On est très loin des chansons de Greendale, ici tout est instrumental, au service d’une ambiance bien particulière. Il n’y a que des embryons de mélodie, une suite de notes saturées, le souffle monumental de la guitare crépitante du Loner, accompagnée à l’occasion de quelques notes d’orgue rappelant Mirror Ball, son album précédent.

Les extraits de dialogues présents sur le disque ainsi que les deux poèmes lus par Johnny Depp apportent énormément : ajoutant une dose de surréalisme noir, ils sont à la fois profonds (Nobody racontant une partie de sa vie, comment son sang mêlé l’a à jamais exclu de sa tribu) et drôles (les trois hommes autour du feu discutant avec des accents à couper au couteau).

C’est un véritable disque-film : si on ne passe pas 60 minutes assis, attentif, je n’ose pas imaginer l’ennui. Il faut déconnecter de la réalité comme on le ferait en allant au cinéma, et à ce moment-là, Dead Man devient un voyage passionnant, une bande originale unique en son genre - un disque à part dans la carrière de Neil Young qui ne fait que souligner l’étendue de son talent.

- JP, le 12 01 2007

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