Enregistré au fin fond de l’Australie dans une ferme isolée du monde, Gala Mill fait suite au percutant Wait long by the river and the bodies of your enemies will float by. Semblerait-il que les Drones s’apaisent sur ce troisième album. Grosse erreur : ils ont juste appris les nuances pour mieux nous faire mal.
Sans renier les influences post-punk des parrains que sont le gratteux Rowland S. Howard (These Immortal Souls, The Birthday Party), Suicide ou les Bad Brains, le groupe s’est ouvert de nombreux espaces d’écriture, entre le storytelling à la Dylan et le blues-bar torché de Tom Waits. Davantage de risque pris, le background musical du groupe depuis lors exilé d’Australie reste large.
Etrange amas de tension et de relâchement, Gala Mill aime le rock à guitares brutes d’un Crazy Horse version stade conduit par une rythmique bringuebalante et massive (digne des premiers Acetone). Que ce soit par le garage-rock direct-dans-ta-face («I don’t ever want to change») ou les errances tortueuses de huit minutes («Jezebel»), il demeure d’un bout à l’autre de l’album le souffle épique d’un 16 Horsepower en version tout-terrain, carburant au gros diesel bien noir.
L’alternance voulue entre apaisement et tensions, aux angles tantôt impossibles, reste cohérente par la marque inimitable d’un vocaliste possédé (ceux qui ont vécu Nick Cave en live sauront de quoi il retourne). Cette présence physique et centrale de Gareth Liddiard oscille souvent à la limite du registre des possibles par excès de ferveur… Au loin s’agite parfois un Mick Jagger régénéré, l’accent australien mélangé aux effluves d’alcool de contrebande, qui exulte sur d’horribles histoires à faire peur («Words from the executioner to Alexander Pearce», qui ne craint pas d’épingler l’histoire des colons australiens).
Bel objet sonique à vivre à plein volume, Gala Mill ne craint pas de faire des taches par excès de passion, mais il reste également touché par une grâce bien à lui. Une bonne tranche de rock savoureux.
- runeii, le 2 01 2007