La pochette du disque décrit bien l’atmosphère qui se dégage de ce disque : sentiment d’étrangeté, souvenirs en noir et blanc d’une enfance déjà lointaine, détachement et absence (trompeuse) d’émotion. Musicalement, l’impression se confirme, l’écoute de ce disque trouvant bien plus d’écho sous un ciel d’acier que lors d’une délicieuse journée d’été. Les instruments traditionnels (guitare et piano) en côtoient d’autres très archaïques qui donnent l’impression d’avoir été construits à la main. Par moments, les traitements sur la voix de Jessica Bailiff lui donnent une qualité quasi subliminale, comme un esprit venu de temps immémoriaux. Certaines textures ont été filtrées au point de devenir aussi abrasives que du papier de vers.
Face aux albums précédents, le son est globalement très différent, Jessica a trouvé un style qui lui est propre, Feels like Home ne peut que difficilement être comparé à ses prédécesseurs. Les morceaux les plus étranges (le violon suraigu et le mince filet de voix de "Persuasion", le chant en russe de "Cinq") en côtoient d’autres qu’on a plus l’habitude d’entendre de la part de cette artiste ("Lakeside Blues", "Pressing"), constitués d’une guitare acoustique décharnée et d’une voix chuchotante.
Pour son quatrième album, Jessica Bailiff nous livre son côté le plus sombre, avec des chansons squelettiques et plus épurées que jamais, très loin des murs de guitares de ses deux premiers disques. C’est donc logiquement le moins accessible de sa carrière, le plus court aussi (il passe à peine la demi-heure). Malgré cela une certaine monotonie s’installe au fil de l’album si on l’écoute d’une oreille distraite. Feels like Home ne manque cependant pas de richesse et de subtilité qui se révèlent au fil des écoutes, même s’il est à réserver aux amateurs de perles minimalistes.
- JP, le 11 08 2006