Petite perle de songwriting hexagonale, Les Tortures Volontaires confirme tout le bien que l’on pensait déjà d’Arman Méliès. Cultivant le «home made» (la plupart des instruments : c’est lui), ce touche à tout révéré par Dominique A et Bashung semble s’être enfermé de longs mois dans son studio pour patiemment accoucher de ces dix perles aux tonalités marines, qui note après note rendent nuits blanches et isolement presque palpables. Suite à son premier album Néons Blancs et Asphaltine en 2004, premier jet prometteur davantage éclaté (accompagné d'un joli Ep), ce second effort plus assuré impressionne par sa force tranquille et sa cohérence.
Arman Méliès cultive la sensibilité à outrance. Mais attention à ne pas la confondre avec sensiblerie. Jamais des textes dans la langue de Molière n’ont rendu si palpable le sentiment de mélancolie sans verser dans le pathétique ou l’apitoiement sur soi. Plutôt poétiques, fils d’Ariane nous guidant les yeux fermés vers un lointain onirique, les vers d’Arman suscitent la magie issue d’un autre âge (un certain côté entre deux guerres, renforcé par le graphisme de la pochette). Côté musique, c’est l’assurance qui prévaut : lignes de guitares scintillantes où se lovent la grandeur de Morricone et tout le confort du folk Américain. L’écrin souvent en mode mineur sait se sublimer au besoin, à témoin «Les Alizés» ou «Dora», petits joyaux qui n’hésitent pas à invoquer la fée électricité sur plusieurs minutes de climax.
Subtiles et raffinées, ces Tortures Volontaires rendent la beauté presque douloureuse, là où l’imaginaire supplante le réel, où le rêve déforme notre quotidien. C’est suffisamment rare dans le paysage de la chanson française pour en appeler à une haie d’honneur.
- runeii, le 24 06 2006