Shearwater est la rencontre entre deux songwriters, Will Sheff du groupe Okkervil River et Jonathan Meiburg de Kingfisher. Ce qui aurait du être un mariage sans lendemain sur The Dissolving Room en 2001 s’est poursuivi, et on retrouve le tandem 4 albums plus tard avec Palo Santo, en 2006. Ce disque est hanté, tourmenté, les morceaux sont assez brefs et vont droit au but, empruntant autant au folk qu’au rock en sublimant ses influences.
Par moments perdus dans l’immensité du désert - la sublime mélodie à la guitare du morceau éponyme, accompagnée d’harmonies vocales mélancoliques - à d’autres moments en pleine course - le piano frappé et obsédant de "Johnny Viola" qui suinte la peur par toutes les pores, Palo Santo nous fait voir du pays, variant les rythmes, les instruments, avec toujours la même intensité, poétique et épique jusqu’au frisson, à l’image du premier morceau, "La Dame et la Licorne", l’une des plus belles chansons que j’ai entendues cette année.
Les arrangements vocaux sont particulièrement bons : choeurs tourbillonnants, chant martelé, ou phrasé proche du country élèvent ces deux artistes au-dessus de l’ordinaire des songwriters. La production reste suffisamment brute et lo-fi pour donner beaucoup de relief à chaque son. Certains morceaux plus abrasifs comme "Failed Queen" ou "Seventy-four, Seventy-five" ajoutent une touche d’agressivité rock d’excellente facture, avec cuivres, batterie et guitares électriques.
Peu d’albums ont l’impact émotionnel de Palo Santo, ces 11 fragments bruts déjouent les pièges du néo folk pour se placer dans la lignée de grands disques épiques comme Funeral d’Arcade Fire ou Picaresque des Decemberists. Sans conteste l’une des plus belles surprises de l’année.
- JP, le 8 06 2006