L’homme s’avance au milieu du désert. A sa main, l’oud, cet ancêtre du luth, imaginez une guitare bombée typique d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Au sommet de la plus haute dune, il s’assied et se met à jouer. Des complaintes du pays, bien sûr, mais qui visent bien d’autres univers. Celui du piano de François Couturier, aux échos tantôt classique (à la Debussy), tantôt jazz, faisant la part belle à l’improvisation. Et celui de Jean-Louis Matinier, dont l’accordéon n’est pas en reste : il pleure, médite, parle le tango, brodant sur du vent là aussi.
Après ce qui constitue le chef d’œuvre de sa carrière («Le Pas du Chat Noir» en 2002), Anouar Brahem réunit une nouvelle fois ce trio incontestablement né pour se rencontrer. Le sublime n’est pas loin sur ce «Voyage de Sahar». Imaginez les miniatures de Yann Tiersen portées aux confins de l’orient et de l’occident, avides de grands espaces : les compositions prennent le temps de s’arrêter, de contempler ou de se perdre en route. L’idée maîtresse est bien de susciter une expérience de voyage, de découverte. Gardant du jazz son côté libre, Anouar Brahem lorgne aussi vers le folklore méditerranéen ou moyen-oriental, pour au final esquisser une bande-son cinématographique de toute beauté où la mélancolie se fait sereine.
Musicien unique par son approche, Anouar Brahem nous offre un disque tout de délicatesse et de pureté. Même s’il n’atteint pas les sommets du précédent opus, ce «Voyage de Sahar» est un objet rare qui nous transporte et nous réconforte. Simplement beau.
- runeii, le 1 03 2006