Voici donc l’ultime opus de la sombre trilogie : Pornography, celui-ci constituant probablement le meilleur album de The Cure. Certes, par la suite les albums se suivront réservant leur lot de surprises, souvent positives, mais le sommet est atteint ici. Ce disque au caractère extrême, est ce que le groupe a fait de plus sombre, de plus malsain. C'est un exorcisme des démons de Robert Smith, l'homme est poussé dans ses retranchements, tant sur le plan personnel qu'au point de vue de l'ambiance au sein du groupe qui était, paraît-il, exécrable.
Ce disque se distingue des deux précédents par son urgence, tout commence à l'arrachée par "One Hundred Years" mythique, les lourdes lignes de basses d'"A Short Time Effect" nous plongent dans une vase dont même la voix en écho de Robert ne parvient pas à nous sortir. Après le speedé "Hanging Garden", on entre dans la plus belle phase du disque : lent et se retournant sur lui-même, "Siamese Twins" donne l'impression de ne pas passer à la vitesse qu'il aurait du avoir, comme si une main faisait tous les efforts possibles pour freiner la lente progression du titre. "The Figurehead" statufie par la voix glaciale de Smith, la batterie est parfaite, frappant de manière machinale sur les neurones qu'il nous reste, quant à la guitare, elle fend l'atmosphère et cherche à atteindre les sombres nuages. Et puis il nous reste les deux clous de l'album : "A Strange Day" rythmé par une des plus majestueuse ligne de basse de l'histoire rendant le titre hors du temps et nous amenant sur "Cold", le titre qui illustre probablement mieux The Cure. Tout est dans ce titre, son nom d'abord, puis les claviers, la basse et batterie lourde, lancinante, un Robert au comble de la terreur, aux portes du suicide et ces quelques notes de guitares essayant d'ouvrir une petite porte pour y laisser passer un soupçon d'espoir... Peut-être le meilleur titre de toute la carrière du groupe.
Après toutes ces émotions, il nous reste le deuxième disque de la version Deluxe, comportant des démos plus qu'intéressante dont un "One Hundred Years" surclassant la version originale, et quelques morceaux inédits. "Airlock : The Soundtrack" par contre fait un peu expérimentation pénible et reste bien loin de "Carnaval Visors" sur Faith. Les titres lives enregistrés durant l'été 1982 sont tous très bons, seulement, ils n'arrivent pas à atteindre l'intensité émotionnelle des versions studios.
Après cet album, le groupe fera une pause, changera en partie de personnel et prendra un virage résolument plus pop et (un peu) moins intéressant. Tout avait été dit ici, ces trois albums sont indispensables et Pornography reste probablement (avec Unknown Pleasure de Joy Division) l'album ultime de dark-new-wave.
- le sto, le 14 06 2005