Voici un disque de hip hop politiquement impliqué, réfléchi, abordant des thèmes profonds, une critique sociale aiguisée. Il me rappelle de façon frappante Black Star de Mos Def et Talib Kwelli au niveau de la voix, des sujets abordés et parfois musicalement. L’unité de "Sonogram" est très forte, c’est comme un kaléidoscope d’humeurs et de thèmes tous liés. Si les textes ont une grande profondeur, la musique reste plutôt cool et légère, un hip hop classique aux accents jazz et soul. Les quelques intermèdes avec ses vieux samples de films et ses ambiances piano-bar contribuent à l’aspect cinématique de l’oeuvre.

Contrairement à tant d’autres disques de hip hop, les collaborations sont rares mais excellentes. "Can’t get enough" (avec Majestik Legend) aborde le thème de l’argent et de sa dépendance avec un refrain entêtant et quelques notes de piano graves. "The Ghetto" est une vision apocalyptique d’un univers violent et sombre coupé du reste du monde. J’ai également un faible pour "True love" (avec Decompoze), tellement prenante avec son refrain imparable. La ligne de piano est magnifique et le rap raconte une aventure avec simplicité et vérité. C’est ce qui fait que cet album fonctionne - une certaine humilité. Il n’y a pas de sermons ici, One Be Lo parle comme s’il racontait ses histoires à un ami, sans prise de tête et sans vouloir paraître meilleur que les autres.

One Be Lo (ex-membre de Binary Star) perpétue l’activisme politique des Last Poets ou Mos Def, et par là-même n’apporte pas véritablement du nouveau, mais "Sonogram" est tellement percutant et fouillé qu’on aurait tort de s’en priver. Musicalement, les arrangements sont simples avec pas mal de samples connus, mais la musique reste très efficace. Et il y a beaucoup de matière qui demande de nombreuses écoutes pour en épuiser toutes les richesses. Bien sûr, avec 79 minutes, on fatigue un peu vers la fin, et certains morceaux passent inaperçus, mais "Sonogram" comporte peu de remplissage et rares sont les disques hip hop d’une telle consistance.

- JP, le 16 05 2005