Imaginez un retour dans le temps aux sources du rock, là où est né cette envie de changer la face du monde musical. Imaginez un Neil Young à ses débuts, domptant déjà l’électricité de sa guitare pour nous assener quelques classiques du répertoire folk-rock de la fin des années 60. C’est là que nous emmène cet album-live de Jason Molina et de ses nouvelles recrues ; un rock savoureux, brut, qui respire et nous entraîne à plein régime sur une autoroute au milieu du désert. Un album de rock tel que l’on n’en fait plus depuis belle lurette, qui semble provenir d’une discographie parallèle du grand Neil Young.
Les influences sont ici flagrantes et pleinement assumées (Molina entonne « Tonight is the night » en hommage au maître). Il faut savoir que Jason Molina puise depuis une bonnes dizaines d’années et d’albums dans de multiples univers musicaux (folk, country, lo-fi, rock, metal), tant en solo que sous le nom de Songs:Ohia, tout en restant un songwriter de grand talent. Ce qui fait sa force reste avant tout une capacité à se renouveler de disque en disque, via un changement fréquent de personnel. On a pu ainsi le voir dans le passé entouré de plusieurs membres d’Arab Strap, de Appendix Out, ou encore de Scout Niblett.
L’album live qui nous est offert ici restitue avec fidélité l’énergie développée par le groupe sur scène (concert enregistré à Bruxelles). Il permet d’oublier la prestation médiocre que le groupe avait donné l’an passé à l’Usine à Genève, la sono étant dépassée par les événements. Les deux guitares, la basse, la batterie, parfois la trompette rendent les compositions chaleureuses, parfois brûlantes (« The dark don’t hide it », « The last 3 human words »). Les classiques de Songs :Ohia sont revitalisés avec brio (« Almost was good enough » transcende ici la version originale). La voix haut perchée de Molina, qui oscille telle celle d’un jeune Ozzy Osbourne, laisse moins paraître sa fragilité habituelle ; l’homme interpelle, raconte des histoires et évoque des rencontres propres au cœur de la culture collective américaine.
Après 70 minutes, on reste un peu étourdi, assis dans le sable, à se demander comment on a pu être transporté si facilement dans le temps. On ne peut que remercier le groupe de tant de générosité et attendre avec impatience la suite du voyage.
- runeii, le 5 03 2005