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Bleeding Light
2005
Notation
Rock   Ambient   Experimental

Alors que Pure Tone Audiometry se permettait quelques escapades pop, "Bleeding Light" est un retour dans des contrées plus froides et éloignées, malgré un ou deux morceaux chantés. La principale nouveauté réside dans l’accompagnement d’un groupe de jazz (tenor sax, alto sax, trompette, batterie et basse), ce qui est une première dans le carrière d’Aarktica et dans le monde de l’ambient / drone rock en général. Ce disque est également moins accessible, et plusieurs écoutes sont nécessaires pour en saisir toute la richesse et la subtilité.

Les deux premiers morceaux ne sont pas fourdroyants d’originalité : une guitare désincarnée passée dans les deux sens, quelques cuivres, et pas beaucoup de variation ni d’intensité, même si l’ambiance est désolée et aride à souhait. Dans l’enchaînement, les six minutes de "Night fell, broke itself" achèvent de nous ennuyer, malgré quelques expérimentations free jazz intéressantes.

On passe aux choses sérieuses avec "A Shadow Knife", infiniment plus évocateur en plus d’être original. Une mélodie au saxophone pleine de sensibilité est accompagnée d’une guitare et de rythmes electro saturés de grande qualité. Cette chanson (comme la plupart des autres) évoque l’attente, l’espoir, en même tant qu’une grande solitude. "We’re like two drops separated by a drowning" oscille entre drones post-No Solace in Sleep et sons tourbillonnants, c’est l’abstraction totale, mais la musique dépasse le simple bidouillage par ses qualités organiques. Les fans de sons extraterrestres seront servis.

Seul véritable morceau "pop", "A Wash of Sea Goodbye it’s Me" est une pause bienvenue après tant d’abstraction. Et quand on parle de pop on est bien au-delà, l’instrumentation et l’ajout de cuivres donne une musique indéfinissable mais accessible avec une structure rock. Jon Derosa est également doué pour ce genre de musique, et on peut regretter que de telles qualités ne soient exploitées qu’à une reprise sur "Bleeding Light".

Mais la variation est la force de ce disque, l’instrumentation est beaucoup plus riche que par le passé. Les percussions ethno côtoient les drones et les instrumentations rock, sans oublier le groupe de jazz qui ajoute une dimension importante à la musique. Quelques rythmes électroniques sont également de la partie. L’ambiance reste sombre et lourde, jusqu’à l’apothéose avec le dernier titre ("Bleeding Light"), le plus intense. Le drone d’arrière-plan est un son extraterrestre, jamais entendu auparavant, il transperce et hypnotise. Les quelques phrases chantées par Derosa sont répétées comme des mantras, accompagnés de rythmes tribaux qui renforcent encore l’intensité. On ne reste pas indifférent, la musique a un côté inquiétant et dérangeant. C’est comme un rite initiatique, quasi religieux. Puis la musique s’apaise, quelques notes de piano ou d’orgue terminent en douceur ce disque et laissent apparaître une lueur d’espoir.

- JP, le 3 03 2005