Commençons par une anecdote que les initiés savoureront sans doute à sa juste valeur: il y a quelques années j'avais eu l'occasion d'interviewer Stephen O'Malley, l'une des têtes de Sunn O))), et à la question de savoir ce qu'il advenait du projet Teeth of Lions Rule the Divine (qui réunissait les deux membres de Sunn O))), Lee Dorrian, chanteur de Cathedral et Justin Greaves, ancien batteur d'Iron Monkey), celui-ci nous avait répondu qu'il n'aurait pas de suite en ce qui le concernait, mais que Justin Greaves bossait à ce moment-là sur un projet similaire avec un mec de Mogwai, qui serait peut-être le nouvel avatar de TOLRTD (vous suivez ?). En fin de compte, il n'en fut rien, et c'est Crippled Black Phoenix qui vit le jour. S'il faut reconnaître que l'on pouvait éventuellement s'y tromper lorsque le groupe publiait ses premiers enregistrements sur myspace à l'époque, il ne reste plus grand chose du projet drone/metal qu'était Teeth of Lions Rule the Divine.
En réalité, n'allez pas vous imaginer que cette petite histoire doive tenir lieu de genèse de Crippled Black Phoenix, les intéressés l'écriraient certainement de manière très différente. Cependant, si l'on ne signalait pas l'ascendance de tous ces projets extrêmes à différents niveaux, on raterait probablement une part importante de l'essence du groupe, qui me semble se trouver dans son caractère récréatif. Au premier degré, 200 Tons of Bad Luck a toutes les chances de passer pour une resucée de Pink Floyd, même pas spécialement digérée, quoiqu'elle incorpore par souci d'hygiène quelques éléments directement issu de la descendance post-rock de la fin des années 90, principalement au niveau des arrangement de cordes qui font beaucoup penser à Yanqui U.X.O., de qui vous savez. Alors oui, tout y passe, du flanger sur la batterie à l'orgue Hammond, le disque aurait pu être composé en 1974 sans problème ; il n'empêche que le résultat de cet exercice de style est une collection de ballades de fin de mondes grisantes et épiques pour rouler au bord de la mer dans le coucher du soleil, ou pour envahir la Pologne.
Récréatif donc, puisque c'est ici l'œuvre de musiciens qui n'ont à vrai dire pas grand chose d'autre à démontrer que leur aptitude à composer des morceaux intemporels et profondément touchants, et qui n'ont à cet égard pas à rougir, que ce soit vis-à-vis de leur contemporains ou de leurs plus ou moins glorieux prédécesseurs.
- lina b. doll, le 22 12 2009