Avec ce EP, Shearwater prenait un virage qui allait le transformer en grand groupe. Thieves, c'est la nature sauvage des grandes plaines américaines en 5 chansons, incarnée par la chanteur Jonathan Meiburg. Même si Will Sheff interprète deux titres, on préfère ses talents d'écriture à sa voix, et déjà l'avenir du groupe se dessine clairement.

Jusque là, Shearwater avait enregistré 3 albums, dont le dernier, Winged Life, avait permis au groupe d'accéder à une très relative notoriété, mais toujours en tant que "side-project d'Okkervil River". Le groupe semblait manquer d'une étincelle, cantonné dans un folk rock de bonne facture. La mutation amorcée sur Thieves concerne aussi bien la forme que le fond: les tendances dépressives du groupe sont balayées par un souffle épique qui se manifeste par un regain de tension et d'agressivité. Même la mélancolie semble avoir changé de goût, elle est à présent enveloppée d'une aura mystérieuse ("There's a Mark Where You Were Breathing").

De beaucoup de manières, ce disque évoque le rêve américain inviolé, les grands espaces, la réalité âpre et changeante de la nature. Par la voix de son chanteur avant tout, alternant entre la douceur apaisante d'une douce brise et la violence d'un torrent déchaîné. "I Can't Wait" et "Mountain Laurel" retrouvent un Jonathan Meiburg plus inspiré que jamais, une fois à la guitare et l'autre au banjo.

Disque indispensable pour les fans de Shearwater (malgré ses 17 courtes minutes), Thieves annonçait la (re)naissance d'un grand groupe, suivi par le monumental Palo Santo en 2006, jusqu'à Rook en 2008. Le side-project a bel et bien dépassé son groupe originel.

- JP, le 9 07 2008