Le décor est anglais, l’esthétique classieuse, les orchestrations soignées. Tout l’inverse de l’ascétisme de The Boatman's Call, et pourtant son parfait complément. Londonien depuis peu, Nick Cave y compose ses chroniques dans l’intimité, note après note au piano. Seul le violoniste Warren Ellis peut se targuer d’avoir touché au décor du maître d’œuvre. Nouveautés aussi, la section de cordes et les vocalises des sœurs McGarrigle complètent des Bad Seeds menés à la baguette, mesure après mesure. Un album de chef d’orchestre.
On l’aura compris, rien n’est laissé au hasard, et c’est sans doute ce qui apparaîtra par moments agaçant aux amateurs des élans sauvages de jadis, qui doivent se dire que la période crooner devient une bien longue manie indécrottable. A juste titre aussi, les presque 70 (!) minutes de cet opus peuvent paraître dures à avaler.
Et pourtant, on ne compte pas les titres fabuleusement harmonisés qui se ramassent à la pelle : une épopée lancinante en clin d’œil à Leonard Cohen ("Hallelujah"), une lumineuse sérénade romantico-classique ("Love Letter"), un rock rageur qui monte en volume ("Oh My Lord"). L’humour noir n’est pas oublié, "God is in the House" balance en toute légèreté une jolie réflexion sur les dérives sécuritaires de nos petites sociétés bien-pensantes. Difficile de faire mieux il faut l’avouer.
C’est peut-être bien ailleurs que l’on pourra trouver à redire. Nick Cave n’a jamais aussi bien chanté à ce moment, certes, mais... en sautant sans avertissement les octaves, osant des escalades risquées comme sur les deux premiers titres, il perd un peu de son authenticité et de la sensibilité étonnante qu’il avait su conquérir sur The Boatman's Call.
Alors, oui, Nick Cave fait des manières, force le trait, peut-être par besoin de ne pas se parodier. Et oui aussi, les titres s’allongent et peuvent par moments se ressembler. Mais la qualité d’écriture et le sens du détails sont à un tel niveau qu’on ne peut que se dire que l’après No More Shall We Part sera rude.
- runeii, le 10 06 2008