La fête commencée sur Strictly Leakage est finie, les cendriers sont pleins, les vapeurs euphorisantes de l'alcool se dissipent peu à peu et une étrange lucidité prend le relais. Près de trois années se sont écoulées depuis le dernier "véritable" album" du groupe, You Can't Imagine How Much Fun We're Having, et ça se sent. When Life Gives You Lemons, You Paint That Shit Gold semble être à des années-lumières de son prédécesseur, tant dans l'esprit que musicalement. Les préoccupations de Slug ne sont plus vraiment les mêmes, et plutôt que de se singer lui-même, le natif du Minnesota a préféré rendre compte de son zeitgeist personnel. Cet album ("dedicated to all dads") est un instantané de cette période.
Alors qu'on s'était habitués à retrouver Ant (Anthony Davis) à la production, ce dernier se voit quelque peu éclipsé par plusieurs musiciens venus prêter main forte au groupe. Quelques guitares, un piano, de vieux synthés ou une flûte viennent étoffer le son d'Atmosphere, sans pour autant faire dans la surenchère : jamais on ne se dit "ah, là ils ont voulu inclure des éléments rock", tant chaque instrument est utilisé avec a-propos.
Dès l'ouverture, le piano de Erick Anderson caresse nos oreilles, participant de l'atmosphère apaisée de When Life Gives You Lemons. Le morceau le plus surprenant est peut-être "Guarantees", retrouvant Slug accompagné d'une simple guitare électrique, sans le moindre rythme ou artifice. Par moments, cette musique classieuse et organique prend presque le dessus sur l'omniprésent rappeur. Ce dernier n'est cependant pas en reste, capable de débiter des tranches de vies avec son acuité visuelle habituelle, délivrant à l'occasion certaines de ses lignes les plus mémorables ("The Waitress" consacre son talent de storyteller).
Si certains morceaux sortent du lot, ce qui frappe avant tout est l'unité de l'oeuvre, musicalement et lyriquement. When Life... dégage beaucoup de fraîcheur et va sans doute donner un second souffle à Atmosphere. Claires et concises, les chansons ne s'éparpillent pas en répétitions inutiles (un des travers du groupe par le passé), Slug dit ce qu'il a à dire et puis s'en va. Ni poseur ni forcé, cet album semble être le reflet fidèle de l'état d'esprit du groupe en 2008; critiquer cet album pour son changement de cap reviendrait presque à exiger d'Atmosphere qu'il se repose sur ses lauriers. Le groupe se contente d'être lui-même (avec talent) et c'est ce qui lui réussit le mieux. Sur la durée, When Life Gives You Lemons est bien parti pour vieillir avec grâce, et on souhaite à Atmosphere de continuer à se remettre en question.
- JP, le 4 05 2008