C’est sous le signe de l’ouverture qu’Alain Bashung place son nouveau chef-d’œuvre. Si cela fait déjà longtemps que le mode de fonctionnement parolier unique sur une musique de Bashung est révolu, cette fois c’est carrément Jean Fauque, compère depuis Novice, qui est resté sur la touche. Place à Gaëtan Roussel, Gérard Manset, Joseph d'Anvers et Armand Mélies. Idem pour la musique, si Bashung co-signe quelques titres, on le sent un peu en retrait. Mais en aucune manière il n’est étranger à lui-même. Bleu Pétrole est un album ô combien plus accessible que le monobloc l’Imprudence, et en rien cela ne rime avec facilité. Bleu Pétrole est exigent, c’est un album fort, intense qui fait résonner toutes les facettes du maître Bashung, et par conséquent qui touche toutes les parties de notre être.
Sur Bleu Pétrole, on a bien de la peine à trouver des titres moyens. A l'éventuelle exception des deux reprises, il semble difficile de ne pas s’extasier sur chaque titre. De se dire simplement que dès qu’un morceau est fini, on se réjouit déjà du suivant, que le fait de presser sur la touche next est tout bonnement impossible tant chaque titre a sa place, et tant le niveau qualitatif est élevé. Le sommet est probablement atteint par "Hier à Sousse" avec ses accents électroniques et le sublime "Secret des banquises", chanson pop ultime à élever au même rang que "La nuit je mens". Et puis il y a l'important, l'imposant ; et là on lorgnera du côté du titre de Manset, les plus de neuf minutes vertigineuse de "Comme un Légo" à l'émotion étreignante. Tout le reste (oui tout!) n'est que fait de hits potentiels (au sens noble du terme), alliant arrangements travaillés, mélodies ravageuses et profondeur vocale. Et c'est peut-être le seul petit reproche que l’on pourrait faire à Alain qui, de part sa façon de chanter très grave et posée, donne un aspect « chef-d’œuvre solennel » qui peut par moment sembler un peu lourd.
Il aura donc fallu six ans pour que cet album ultime vienne prendre une véritable place dans la vie de ceux qui, à juste titre, considère qu’Alain Bashung est le chef de file incontesté, le pater noster de la chanson francophone. Aura-t-il la possibilité de dépasser Bleu Pétrole ?
- le sto, le 20 04 2008