Le choc va être grand. Monumental. Sorti des oubliettes, on pouvait se dire que Earth vivait un revival justifié après les excellents Hex (surtout) et Hibernaculum (un peu moins). Désormais, on ne pourra qu’admettre que ce furent deux prémisses à une aventure encore bien plus audacieuse.
Même si les assises restent identiques, à savoir tempos surlents, arpèges plombés répétés à l’envi visant à une léthargie paralysante, la troupe à Dylan Carlson franchit de nouvelles frontières sur The Bees Made Honey… , intégrant une profusion de nouveaux éléments musicaux plus chauds pour des ambiances sombrement exotiques.
Emplie de contrastes, la thématique est ici naturaliste. On y parle d’abeilles, de miel et de crânes de lions, mais surtout de symbiose entre les éléments, du cycle éternel de la mort et de la renaissance. On remonte lentement un fleuve vers une terra incognitae inviolée, quêtant les mystères enfouis d’Au cœur des ténèbres, la magie païenne d’un Werner Herzog en prime.
Ces sept longues épopées oscillent et cheminent implacablement vers un apex, auréolées des guitares jazzy du demi-dieu Bill Frisell. On appréciera tout particulièrement l’apport d’harmonies profanes de Würlitzer, Moog et piano électrique, ainsi que la part d’impros psychédéliques favorisant la transcendance. On perçoit de manière étonnamment proche les mantras ethno-krautrock de Popol Vuh pour le petit côté seventies pas dégueu, tout en restant dans l’americana et ses mythes.
Clairement, après avoir privilégié la sécheresse et la mort sur le minimal Hex, Earth ouvre les frontières de son drone-rock instrumental, commettant un grand disque méditatif aux couleurs mondiales, et sans pour autant se renier ni plonger dans le foutoir new age. Comme quoi la maturité arrive souvent sans crier gare, ici après 15 ans de service. Encore fallait-il en faire quelque chose. Pari gagné.
- runeii, le 29 02 2008